S’il est un domaine littéraire qui nous intéresse particulièrement dans cette création c’est bien le conte, là où la violence est affaire courante, là où le réalisme et l’imaginaire se mélangent, là où l‘ordinaire et l’épique, le visible et l’invisible se tissent. Là où les mots ont une grande dextérité, où le langage se dégourdit, là où les monstres changent d’apparence et de voix. Mais qu’en est-il des Contes d’État? Mêmes similitudes de registre.

Pour Contes d’État, je me suis intéressée aux derniers ouvrages de Sandra Lucbert (Le ministère des contes publics, Éditions Verdier, 2021) et Raphaël Kempf (Violences judiciaires, Éditions La Découverte, 2022), à leur surprenante voyance, à leur élan solide, à leur écriture aiguë. Et un théâtre qui porterait ces voix, leurs voix, serait à mon sens, outre une façon de prolonger leur geste, une vraie nécessité pour l’art. La pièce se propose de se glisser dans cette énergie, de se laisser porter par la rythmicité de leurs raisonnements, et laisser place ainsi à de nouvelles façons de travailler le théâtre. Ici, dans ce théâtre narratif, l’ensemble des personnages identifiés et cités sont réels, ils sont les acteurs de nos contes moralisateurs quotidiens, de ces histoires à dormir debout où tout est affaire de codification, de verrouillage. Le sujet est posé : Contes d’État c’est l’histoire d’un monde à l’envers, de quelques protagonistes rencontrés de l’autre côté du miroir dans les couloirs de Bercy et d’ailleurs: de Hugues, de Gérald, de Michel, de Philippe, de Jean-Claude… mais aussi des arrêtés pour avoir manifesté, des fichées S sans le savoir, des classés sans suite.