Objet devenu ordinaire dans notre quotidien, la voiture ne l’a pas toujours été. Il l’est devenu, et sûrement il n’en restera pas ordinaire demain puisque sa mutation programmée restera longue et douloureuse. Mais dans l’immédiat une chose est certaine, cet objet fonctionnel — dysfonctionnel questionne nos attentes, nos représentations, nos imaginaires. La voiture, tel qu’analysée par Jean Baudrillard, nous offrait cinq niveaux de signification: le statut (accès au travail, signe de richesse, facteur d’identité), la liberté (indépendance, évasion sans effort, investissement du temps et de l’espace), la mobilité (dynamique du déplacement, sentiment de privatisation de l’espace public), la domination de l’espace (le pouvoir d’aller partout et loin) et enfin la vitesse qui fédère les précédents en leur apportant le sentiment de puissance.

Le sujet est posé. AUTO, c’est l’histoire d’une passion mais surtout l’histoire d’une mutation. Nous vivons précisément ce moment de mutation, ce moment de possibilités. Il est de bonne méthode de voir ce qui est possible de faire par l’art, avec l’art pour participer à l’effort collectif. Une soprano lyrique, une danseuse et un objet, le spectacle repose sur une hypothèse dramaturgique simple : une alliance entre ces trois corps, en trois actes — un geste opératique. AUTO est une composition comme un agencement entre musique, une danse et un objet. C’est un hommage à Rolf Julius — d’une certaine façon — qui cherchait inlassablement à mettre à jour la relation entre musique et sculpture, ou comment créer de la musique pour les yeux, titre de l’une de ses compositions. De la musique pour les yeux donc, comme un arbre à l'horizon.